Jaguar XJS shooting brake
Shooting brake ???
Shooting brake en anglais, break de chasse en français, Sport Kombi en allemand, autant d'appellations qui se mélangent à d'autres et qu'il ne faut pas confondre. Les termes estate, station wagon, kombi, breaks, correspondent-ils à d'autres types de voitures ou à un autre concept automobile?
Un shooting brake c'est suivant la définition populaire un coupé sportif modifié pour en faire un utilitaire de loisir rapide et exclusif. Cette définition étant libre on lui trouve un grand nombre d'interprétations qui permettent aux uns et aux autres de faire entrer dans cette catégorie toute une gamme de voiture qui sont... de simple breaks!
Aimez-les ou détestez les, mais faites le en connaissance de cause ; un shooting brake c'est quoi au juste?
Historique, analyse et démonstration:
Admettons que les shooting brake sont des voitures dont l’arrière est organisé pour leur conférer un aspect utilitaire et qui sont donc équipées d’un hayon ou des portes donnant accès de façon pratique à un espace de chargement. Soit me direz-vous ce ne seraient donc en fait que des breaks !
Oui, mais…
Au début du 19ème siècle un brake était un grand chariot sans carrosserie utilisé pour le dressage des jeunes chevaux. A la fin du 19ème siècle le terme s’est étendu pour désigner de grands chariots utilisés à la campagne et qu’on appelle en français des wagonnettes. Un shooting brake était alors un chariot ouvert, les conducteurs étaient assis devant face à la route cependant que les passagers étaient assis face à face sur des bancs placés en longueur, avec leurs chiens et leurs armes.
Voici donc ce qu’est un vrai shooting brake !
Dans les années 20 le même terme s’appliquera à des voitures automobiles à 2 ou à 4 portes transformées en utilitaires et destinées au même usage que leurs prédécesseurs hippomobiles, le transport des chasseurs, de leurs armes et de leurs chiens. Les véhicules utilisés à la base de ces transformations étaient souvent des modèles de luxe (Rolls Royce, Bentley, Alvis,…) et leurs utilisateurs des aristocrates anglais. La carrosserie construite à l’arrière était souvent en bois, mais pas toujours. Ces voitures se populariseront progressivement et resteront en vogue jusque dans les années 50, leurs utilisateurs les utiliseront alors aussi pour partir en pique-nique ou pour transporter leur matériel de sport.
En traversant la manche, le brake deviendra un break, et le shooting brake deviendra un break de chasse. On se demande pourquoi ? La "traduction" brake/break fait d'ailleurs bien rire les anglais puisqu'elle réfère à un autre terme anglais qui n'a pas du tout le même sens que le terme original. J'ignore qui est l'auteur de cette adaptation hasardeuse mais il est possible qu'il y ait eu confusion entre la notion de pause (break en anglais pour ceux qui l'ignoreraient) et la notion de loisir.
Rolls Royce 20HP 1926
Arrive alors David Brown ! Propriétaire d’Aston Martin il demande à son staff de lui dessiner une voiture qui lui permettra de transporter son chien confortablement. La réponse sera l’Aston Martin DB5 shooting brake sortie en1963. Elle sera souvent considérée comme le premier shooting brake « moderne ». Il en sera fabriqué 12 exemplaires, le premier par Tickford, les suivants par Radford, qui seront destinés très exclusivement aux amis et aux connaissances de David Brown. D’autres shooting brake Aston Martin à 2 et à 4 portes seront construits par la suite et il est toujours possible aujourd’hui d’en commander un fait sur mesure à l’usine.
Voir ces 2 sites pour plus d’infos sur cette voiture :
https://www.pestalozzi.net/sb/am_db5/index.html
https://carcatalog2.free.fr/sw3a.htm
Aston Martin DB5 by Radford :
Depuis lors, du fait de David Brown, un shooting brake se définira souvent comme un break dérivé d’un coupé, rapide, confortable, luxueux et exclusif qu'il soit construit à l'unité ou en petite série.
Oui, mais…
Il existait déjà une voiture répondant à cette définition, la Allard Safari, une voiture anglaise construite à partir de 1952. Le châssis est issu de ceux utilisés en course par Sidney Allard, le moteur est un puissant V8 américain, la carrosserie est dérivée du coupé P2, la nouvelle structure est en bois avec une ligne basse et effilée, c’est une 2 portes avec une double porte arrière qui donne sur un volume pratique et luxueux permettant d’accueillir 6 personnes avec leurs bagages, voire 8 personnes les mains vides. Il n’en sera fabriqué que 10 exemplaires dont 3 ou 4 ont survécus. L’Aston Martin DB5 de David Brown n’était donc pas le premier shooting brake « moderne » !
Allard Safari 1954
Oui, mais…
Il existe plusieurs modèles de shooting brake qui sont des voitures de série, certaines construites même en série par de grands constructeurs comme les Volvo P1800 ES, les Lancia HPE ou construite en série mais plus confidentiellement comme les Reliant Scimitar et les Jensen-Healey.
Volvo P1800 ES
Oui, mais…
Certains shooting brake construits sur mesure étaient des 5 portes comme les Jaguar XJ de Avon Ladbroke, les Rolls Royce de Chelsea Garage et d’autres… Tous ne sont donc pas des coupés re carrossés comme on le lit souvent !
Bentley S2
Et… certains seront même tôlés comme de vulgaires camionnettes !
Rolls Royce Krug
Mais qu’est-ce donc alors qu’un shooting brake ???
Récapitulons :
- Certains sont luxueux, certains sont populaires.
- Certains sont des coupés transformés, d’autres des berlines modifiées, d’autres encore sont des voitures de série.
- Certains ont des lignes basses et effilées, d’autres sont hauts et massifs.
- Certains sont dessinés avec de très longues vitres arrière, d’autres pas.
- Certains offrent un accès à un spacieux espace de transport, mais pas tous.
- Certains bénéficient de moteur puissants, mais tous ne sont pas sportifs.
- Mais tous sont différents d’un break « classique » par leur origine, par l'usage auquel ils ont été destinés, par la volonté de leur constructeur ou par celle de leur commanditaire, et aucun ne peut être comparé aux voitures modernes à 2 volumes qu’elles soient à 3 ou à 5 portes.
Historiquement le fait du shooting brake c'est simplement la conversion artisanale d'une voiture en utilitaire de luxe et rien d'autre. Qu’il soit construit sur base d'un cabriolet, sur base dun coupé ou même sur base d'une berline ne change rien à ce fait essentiel qui définit un shooting brake. Le succès de l'Aston Martin de David Brown, et son nom qui exhumait le concept, ont abusivement poussés à l'association populaire : shooting brake = coupé recarrossé.
Admettons qu'il existe des utilitaires de série qui soient des shooting brake, comme l’est la P1800 ES par exemple (car elle est typique du sujet en étant dérivée stylistiquement d'un prototype qui est un pur shooting brake), ceux là sont tous des 2 portes. Et pour cause, les 4 portes utilitaires de série seront simplement considérés comme des breaks (estate, Kombi, station wagon ou wagon suivant les cultures). Un shooting brake c'est donc avant tout une voiture (re)carossée artisanalement ou en petites séries en utilitaire de luxe, ce que confirment l’usage et l'esprit anglais pour lesquels sont aussi des shooting brake les berlines (re)carossées en utilitaires. CQFD!
De façon plus ludique j'aime définir les shooting brake comme étant les utilitaires de l’inutile. Exclusifs, rapides et confortables, ils ont souvent demandés des moyens et des frais de construction complètement disproportionnés au regard de la fonctionnalité qu’ils offrent ou du surcroît de confort qui aurait été offert par un modèle utilitaire de série. Exit donc de cette catégorie les nombreux breaks plus ou moins profilés que les constructeurs d’aujourd’hui essaye d’emballer de noms évocateurs pour mieux les vendre (La Palme d’Or revient à Mercedes qui nous gratifie en 2010 d'un banal break 5 portes sur lequel il communique pompeusement en parlant de shooting break concept. Preuve s'il en est que les pontes du marketing de Mercédès n'ont rien compris au concept en question !)
Pour l’exemple et pour suivre ces 2 définitions, la Mini by Castagna est un shooting brake mais la Mini Clubman n'en n'est pas un! Le premier est la transformation artisanale d’une voiture en break, le suivant n’est que la déclinaison faite en grande série par son constructeur d’une voiture adaptée en break.